Furiani : 5 mai 1992, la fête vire au cauchemar et se termine dans l’horreur
La catastrophe de Furiani est l’effondrement d’une tribune du stade Armand-Cesari , le 5 mai 1992 à Furiani lors de la demi-finale de la coupe de France de football 1991-1992 opposant le SC Bastia à l’Olympique de Marseille, en causant la mort de 18 personnes et blessant 2 357 spectateurs.]
Pour que l’oubli ne s’installe jamais
Le parcours de Bastia avant la finale
Le match opposant Bastia à Thonon-les-Bains, lors du 8e tour, a lieu le 26 janvier 1992. Le SECB est alors 4ème de D2, avec 26 points. Bastia avait déjà affronté Thonon à deux reprises en Division 2 (1986-1987), et avait obtenu deux victoires, (0-1 à Thonon et 2-1 à Furiani).
La préparation de la demi-finale
Après la qualification contre Nancy, les dirigeants du club décident de raser la tribune Claude Papi (qui contenait 750 places) et de la remplacer par une structure métallique, en portant la capacité du stade à 18 000 places. Les opérations de destruction se déroulent dans la nuit du 24 au 25 avril 1992, et ce, sans permis de démolition.
Après la qualification du club corse en quart de finale de la coupe de France face à l’AS Nancy Lorraine le 21 avril, le tirage au sort le 22 livre son verdict : Bastia accueillera Marseille. Les dirigeants corses jugent le stade Armand-Cesari de Furiani trop petit pour accueillir cette demi-finale de prestige. La tribune Claude Papi dotée de 750 places sera donc rasée pour laisser place à une nouvelle tribune, une structure métallique.
Nous sommes alors le lundi 27 Avril et les dirigeants bastiais cherchent une entreprise afin de montrer une tribune de 10 000 places en 9 jours !!
Les erreurs vont alors s’accumuler pour mener au drame. Tout d’abord, et de manière très surprenante, il faut noter que la mairie de Bastia n’a jamais donné son avis pour cette construction qui se fait donc en toute illégalité.
Une fois l’espace libéré, les dirigeants bastiais font appel à une première entreprise de construction, « Space Location ». Jugeant qu’ajouter 10 000 places en un laps de temps si faible est impossible, elle refuse le chantier.
Le 28 avril (une semaine avant le match) une entreprise niçoise « Sud-tribune » accepte, sas aucun accord écrit, le chantier. Elle est chargée de réaliser une tribune de 9 300 places (coût d’un million de francs). Les travaux de cette nouvelle tribune débutent le 28 avril 1992 par le terrassement. Sud-Tribunes doit faire venir les pièces nécessaires à la construction alors qu’une grève des dockers bloque le port de Marseille,ralentissant les travaux et empêchant le chantier de pouvoir avancer car les matériaux nécessaires sont bloqués à Marseille. L’entreprise affirme néanmoins avoir en sa possession dans l’île assez de matériaux et de pièces suffisantes pour terminer le chantier dans les temps.Afin de valider en amont du match si la sécurité est respectée dans cette tribune, une première commission de sécurité inspecte le chantier le 29 avril. RAS. De même le 30 avril et le 2 mai . Suite à cette visite, la ligue corse de football envoie à la fédération de football professionnel un avis favorable pour la tenue du match. Les tickets sont alors mis en vente. Ils sont vendus 75 % plus chers que pour le match de quart de finale.
Le lundi 4 mai 1992, veille du match, les travaux ne sont toujours pas terminés. Une nouvelle commission de sécurité inspecte le chantier et note que « le niveau de sécurité reste très insuffisant ».Mais les pressions sont telles que le match sera joué. Le jour du match, les travaux se poursuivent. Une ultime commission de sécurité se tient alors que les portes du stade sont ouvertes.
La demi-finale n’aura jamais lieu
C’est l’effervescence en ce 5 mai sur l’Ile. Le club bastiais qui n’a plus rien gagné depuis sa victoire de Coupe de France 2-1 face à Saint Etienne en 1981, accueille l’ogre marseillais dans le cadre de la demi-finale de coupe France de cette édition 1992.
C’est donc le finaliste de la ligue des Champions 1991 qui se présente au stade Furiani avec son armada de stars internationales : Papin, Abedi Pele, Waddle, Deschamps, Mozer, Olmeta, Di Meco et cie affronte le Sporting club de Bastia, pensionnaire de Ligue 2 et en course pour la montée. C’est une belle fête qui se prépare en Corse où les supporters viennent en nombre supporter les leurs. Mais rapidement la fête vire au cauchemar, laissant place à l’horreur. Une des tribunes du stade va s’effondrer à moins d’une demi-heure du coup d’envoi
Le match est prévu à 20h30. Les premiers supporters bastiais arrivent au stade à 16h alors que les ouvriers sont toujours en train de s’affairer autour de la tribune.
La tribune métallique bricolée à la va-vite, va montrer rapidement des signes de faiblesse. Les ouvriers tentent un rafistolage de dernière minute à l’aide de cordes, scotch et tout ce qui pourra aider cette tribune à tenir au moins jusqu’au début du match. Cependant dès 19h, plusieurs responsables de la sécurité s’inquiètent de l’état de la tribune qui commence à bouger. Des employés de Sud-Tribunes s’affairent à revisser les boulons.
À 20h15, le speaker du stade invite en vain les supporters de la tribune nord à « ne pas taper des pieds surtout sur les parties métalliques ».Celle-ci est loin d’être stable comme le souligne l’envoyé spécial pour Radio France: « Je suis tout en haut sur les tribunes du stade de Furiani, au milieu des supporters. Je distingue à peine les joueurs. Ça bouge, on se croirait sur un bateau. Chers auditeurs, j’espère être là à la fin du match ». Les supporters donnent de plus en plus de la voix et la tribune également devient de plus en plus dangereuse.
Les ouvriers s’affairent encore et toujours afin de rafistoler la tribune qui se désintègre un peu plus chaque minute. Des boulons, des parties métalliques tombent de la tribune et une réparation de fortune est alors effectuée alors que les supporters, impatients d’assister à la rencontre qui les emmènera peut-être en finale de la coupe de France ne peuvent s’empêcher de mettre de l’ambiance. Ils crient, chantent, tapent du pied sur la tribune instable.
L’horreur en direct
À 20h20, alors que les journalistes de TF1 prennent l’antenne pour la retransmission télévisée, la partie haute de la tribune nord s’effondre et les spectateurs assis en haut chutent de 15 mètres. A 20h20, c’est l’horreur en direct à la télévision.
La partie haute de la tribune s’effondre, là où des centaines de milliers de personnes étaient assises.
Les images sont alors retransmises en direct sur TF1, décrivant l’horreur en direct, de quelle manière ils ont été « soufflés » par cette tribune qui s’est effondrée. Une bonne partie de ces supporters ont connu l’horreur. Une chute de 15 mètres vers le sol. Des personnes qui se sont vues mourir pour simplement avoir voulu supporter leur équipe favorite. Très vite, les spectateurs se réfugient sur la pelouse pour fuir la tribune. Des supporters viennent tout à tour devant la caméra afin de rassurer leur famille en leur montrant qu’ils sont vivants
Jean Michel Larqué décidant de se faire sa propre idée du drame décide de descendre et voir l’étendue des dégâts. Il explique avoir vu des débris de parties métalliques qui jonchent le sol ainsi que des corps inanimés et des blessés en nombre… L’horreur est retranscrite en direct sous les yeux de la France entière suspendue aux lèvres de quelques témoignages de pompiers ou de supporters présents dans le stade. Les images sont insoutenables. Les telespéctateurs voient en direct des corps étendus sur le sol au milieu de ce qu’il reste de cette tribune qui est maintenant à l’état de débris métalliques.
En un éclair le stade s’est transformé en champ de bataille. Une scène d’apocalypse incroyable à la télévision:. Des pleurs. Des cris. Du sang. Des blessés, beaucoup de blessés. Des morts.
Les secours se mettent en place. Les deux unités du SAMU prévues pour le match prennent en charge les premiers blessés, mais ils sont vite débordés. Une scène de chaos et d’incompréhension règne alors en maître sur le terrain.
À 21h, l’ordre d’évacuation des spectateurs du stade est donné afin de faciliter le travail des secours.À 21h30, des hélicoptères de la sécurité civile se posent sur la pelouse pour évacuer les blessés. Le plan rouge est déclenché à 22h par le ministre de l’Intérieur (Paul Quilès). À 22h, le premier bilan fait état d’un mort et de 50 blessés. Le problème qui se pose pour les secours et l’évacuation des blessés est que le stade Armand-Cesari est un stade difficile d’accès : une seule route coincée entre une voie ferrée et la lagune. Les pompiers et les urgences ont beaucoup de mal à accéder au stade, surtout dans cette cohue où les supporters souhaitent avant tout prendre leur voiture et quitter ce lieu d’horreur. Pourtant, ce match ayant été décrété comme match « à risques », de grosses mesures de sécurité avaient été mises en place avant le match, et de nombreux pompiers sont déjà présents sur place.
Les hôpitaux sont quant à eux rapidement pleins et les blessés doivent alors être amenés sur le continent.
L’aéroport de Bastia Poretta est utilisé pour le transport des blessés vers Nice et Marseille, ceux de Corse étant rapidement saturés.
Le bilan total des victimes est de dix-huit morts et 2 357 blessés.
Réactions
Les joueurs marseillais et bastiais refusent que le match puisse être joué ou rejoué. C’est aussi l’avis de Michel Platini alors sélectionneur de l’équipe de France de football.Le président de l’AS Monaco adresse sa « solidarité et ses condoléances » aux victimes et à leurs familles alors que son équipe est sur le point de disputer la finale de la coupe des coupes. Une minute de silence est d’ailleurs respectée avant la finale.
Le week-end suivant la catastrophe, une minute de silence sera respectée avant les matchs de championnat de France de rugby.
Le lendemain de la catastrophe, le président de la République François Mitterrand se rend à l’hôpital de Bastia, voir les blessés, pour montrer sa solidarité et celle de la France devant le drame, déclarant : « la France est solidaire ».
Conséquences
Étant donné que le match n’a pu se dérouler, la finale n’a pas eu lieu. L’AS Monaco, battant aux tirs aux buts l’AS Cannes dans l’autre demi-finale, hérita de la place en Coupe des Coupes.
En 2012, pour le 20ème anniversaire de la catastrophe et à la suite d’une pétition lancée par des familles de victimes, la LFP et la FFF décident qu’aucune rencontre ne se jouerait le 5 mai 2012 . Les matchs de la 36ème journée de Ligue 1 sont déplacés au lundi 7 mai.
ce drame qui marquera l’île de Beauté au fer rouge, aurait certainement pu être évitée
Au plan judiciaire : L’instruction du procès est close le 4 janvier 1993. Mais le procès ne débute que le 23 avril 1993. Le procès en appel se déroule à partir du 16 octobre 1995 et donnera lieu à diverses condamnations et relaxes… mais qui ne pourra jamais réparer ni le traumatisme collectif, ni les séquelles des blessés, ni la peine des familles endeuillées par la perte d’un être cher…
Sur l’organisation des manifestations sportives
Suite à la catastrophe, le ministère de la jeunesse et des sports modifie les règles pour l’homologation des enceintes destinées à recevoir des manifestations ouvertes au public. Une loi régit désormais les équipements en plein air de plus de 3 000 spectateurs ainsi que les équipements couverts de plus de 500 spectateurs. Une pétition a été mise en ligne en novembre 2011, afin que le 5 mai devienne une journée sans football.
Une tragédie qui a marqué la Corse
L’édition 1992 de la coupe de France reste à ce jour la seule pour laquelle aucun vainqueur ne fut désigné, puisque malgré les protestations des Marseillais (!!!) le match qui devait avoir lieu ce 5 mai ne fut jamais rejoué. Frédéric Thiriez, déjà se fera remarquer en déclarant en 2007 que le dernier accident dans un stade en France remonte à 1983 !! , occultant ouvertement la catastrophe de Furiani ce 5 mai. Le 5 mai 2013, 3 matchs de football étaient joués en Ligue 1. Le 5 mai 2013, Paris Saint Germain fut en fête car officiellement champion de France, alors qu’en Corse on commémore cet événement tragique. Et bien entendu aucun mot de la part de la Fédération ou même du président de la République François Hollande (qui pourtant avait signé la pétition corse avant d’être élu pour que plus aucun match ne soit joué à cette date) et surtout aucune réponse aux nombreuses lettres et aux nombreux appels lancés par la population corse.
Le souvenir des victimes et la douleur des familles
La vie doit continuer, et il ne faut pas s’arrêter de vivre, mais au moins que nos chères instances de la FFP prennent une décision pour que le 5 mai soit un jour de commémoration dans le monde du football en France.. Simplement qu’aucun match ne soit joué le 5 mai en France afin que l’on puisse se souvenir de ce jour noir pour la Corse et pour la France… C’est ce que continue à clamer le Collectif des victimes de Furiani, (https://www.facebook.com/collectifdesvictimesdefuriani/) mené par Laura et Josepha Guidicelli, filles de Pierre-jean, une des 18 victimes, et Didier Grassi, correspondant RMC blessé lors de l’effondrement de la tribune. Le Collectif se bat contre vents et marées pour qu‘il n’y ait plus de matchs en France le 5 mai et pour que ce jour anniversaire de la catastrophe soir sacralisé… ce que refusent les instances du football professionnel français.. Les droits télé ont plus de poids que les 18 morts et les 2357 blessés à Furiani !!
(Les témoignages de rescapés de Furiani petitionfuriani.com/ )
A Furiani, tous les 5 mai, un hommage est rendu aux victimes de la catastrophe devant la stèle à leur mémoire au stade Armand Cesari. Un office religieux a également lieu en la cathédrale Sainte Marie à Bastia.Pour en savoir plus sur la tragédie de Furiani, signer la pétition de Furiani[1] afin qu’ aucun match de football professionnel ne soit plus dorénavant joué en France un 5 mai.
Saluons l’initiative menée par TOIFILOU MAOULIDA, celles portées par les membres du « collectif du 05 mai », ainsi que tous les acteurs qui s’évertuent à faire vivre et à défendre le devoir de mémoire de cette tragédie.”
“Plus aucun match national le 5 mai “
Le Collectif des victimes du 5 mai 1992, reçu au Ministère des Sports, réclame une véritable reconnaissance par l’Etat de la catastrophe, passant notamment par le gel dans les calendriers de la Fédération française de football (FFF) de la date du 5 mai.
Aujourd’hui, seules les finales de coupe de France ou de la Ligue ainsi que les matches en Corse ont été suspendus par la FFF. En 2013, le président de la Ligue de Football Professionnel (LFP) Frédéric Thiriez avait indiqué qu'”une journée sans football n'(était) pas une réponse à un drame”.
Le 29 mai 2014, une motion du Conseil municipal de Bastia a été votée à l’unanimité, demandant au gouvernement et autorités compétentes, de valider le principe selon lequel “aucune rencontre de football de coupe nationale ou de championnat ne se jouera en France, le 5 mai”.
[1] Catastrophe de Furiani – 5 mai 1992 : Le 5 mai 1992, la Tribune Nord du Stade Armand Cesari s’effondre causant 18 morts et plus de 2300 blessés. La Corse entière est touchée par ce drame, le traumatisme est immense. Une catastrophe jamais connue dans le monde du football français. Et pourtant… les instances du football français contrairement aux responsables du football anglais n’accordent aucune importance à cette date. Le jour même où toute la Corse commémorera dans le recueillement le vingtième anniversaire de la tragédie de Furiani, des matches seront joués ! La catastrophe de Furiani ne doit jamais être oubliée et ce, pour qu’une telle tragédie ne se reproduise plus. Un devoir de mémoire est indispensable : Furiani mai più. Nous demandons qu’aucun match de football professionnel ne soit plus dorénavant joué en France un 5 mai. Nous sollicitons par conséquent l’inscription de ce fait dans les règlements de la FFF et de la LFP.