6 février 2018 : Vers la Réconciliation ?
Cf. Corse-matin Ce dimanche 21 janvier 2018
Interview -Tribune de Jean-Guy Talamoni (Corsica Libera) Président de l’Asssemblée de Corse
A l’occasion de la venue en Corse d’Emmanuel Macron (6 février 2018), et de la commémoration des 20 ans de l’assassinat du Préfet Erignac, l’idée d’une “Réconciliation” entre la Corse, le peuple corse (à travers ses représentants élus et des représentants de la société civile, -avec les mouvements en lutte-), et l’Etat français revient à la une de l’actualité…
C’est à l’évidence une chose louable qui est depuis longtemps au cœur des demandes de “Résolution de la Question politique corse” formulées par les mouvements de contestation et de lutte en Corse…
Mais cet objectif est consubstantiel du Règlement politique de la question corse… La Réconciliation, tout comme la “Résolution du conflit” ne peut être l’apanage d’une seule partie. Elle ne peut en aucun cas se décréter unilatéralement, sinon elle rejoint les vœux, certes louables mais vains, en rapport avec un engagement humaniste ou religieux, en restant seulement (malheureusement/vainement) du domaine de la seule compassion
La Réconciliation pour sortir d’un conflit d’essence politique
C’ est une phase nécessaire, mais elle doit faire partie d’un ensemble de constats/décisions/objectifs en rapport avec le conflit (raisons/causes/ conséquences/solutions) en vue d’une “Solution politique” et ne doit pas être mise en route par une seule des parties concernées. Elle doit émaner réciproquement des deux (ou des différentes parties en conflit) et avoir pour objectif immédiat et à long terme mettre fin à “toutes les violences” entre les parties concernées….
Mais toute Réconciliation exige
– Que la réalité du conflit et sa nature politique soient d’abord reconnues par les parties concernées
– Que les deux ou différentes parties prenantes du conflit s’engagent, après des contacts, des pourparlers plus ou moins officieux puis officiels, à mettre en place puis à conduire de véritables négociations politiques sur la base d’un échéancier dans le temps accepté et validé par les deux ou différentes parties…
– Que la libération des détenus politiques soit mise en route avec à la clé une loi d’amnistie pour eux, les recherchés et tous les auteurs de faits en relation avec le conflit politique
– Que la Réconciliation entre les deux parties,ou les différentes parties, prenne en compte (au-delà des auteurs) la situation des victimes de ce conflit, des deux côtés ou de tous les côtés) une nécessité et un passage incontournable et obligé dans le cadre de cette Réconciliation (vers la Resolution du conflit) Et que des procédures de compensation et de réhabilitation soient décidées au profit des victimes des deux (ou différents) camps…
Quelques exemples
Voir le conflit en Afrique du Sud
Voir le conflit en kanakie
10/01/90
loi d’amnistie pour «les infractions commises avant le 20 août 1988 à l’occasion des événements d’ordre politique, social ou économique en relation avec la détermination du statut de la Nouvelle-Calédonie ou du régime foncier du territoire»
19 janv. 2018
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006075226&dateTexte=20180119 …
Voir conflit au pays basque
Différents concepts
Le concept de Réconciliation implique une reconnaissance d’un conflit violent (militaire) entre deux ou plusieurs parties concernées et l’affirmation par celles-ci d’une réelle volonté politique d’œuvrer à sa résolution. Elle implique la volonté affirmée des parties en cause de cesser les affrontements et de chercher ensemble les moyens d’aller aux sources des raisons, des causes du conflit pour en chercher les voies et les moyens d’y mettre un terme (pour le “solder de tout compte” ) et de se donner pour objectif une politique commune afin d’éviter que ces raisons ne reprennent le dessus dans l’avenir…. et qu’à terme, à la fin du processus engagé (Réconciliation/Résolution), le conflit appartienne au passé (et à l‘histoire).
Elle doit être aussi s’accompagner de gestes, d’actes, et d’actions symboliques communes plus ou moins fortes (célébration en mémoire des victimes des deux camps par exemple …)
La résolution de conflit est un concept associé aux relations humaines, principalement lié au management et aux méthodes et outils d’aide à la prise de décision. Elle consiste dans le choix d’une solution à un affrontement et sa mise en œuvre. Lorsqu’il s’agit de pratiques en regard du système judiciaire ou d’une décision étatique, il est question de modes alternatifs de résolution des conflits. Le conflit est une situation sociale durant laquelle des acteurs en interdépendance, soit poursuivent des buts différents, défendent des valeurs contradictoires, ont des intérêts divergents ou opposés, soit poursuivent simultanément et compétitivement un même but.
La « réconciliation » après les conflits : un « savoir-faire » européen ?
https://www.cairn.info/publications-de-Defrance-Corine–29779.htm
La notion de réconciliation est particulièrement difficile à saisir [9] Cf. Christiane Wienand, « Versöhnung », dans Nicole…. Elle a fait l’objet de définitions multiples, parfois contradictoires et le terme est désormais employé par les médias et les politiques de manière inflationniste. L’interprétation de tout geste ou initiative comme « symbole de réconciliation » et la pression morale s’exerçant sur des sociétés priées de considérer la réconciliation comme un objectif suprême (la valeur normative de la réconciliation) contribuent à faire émerger réserves et critiques à son égard. Il y a d’une part ceux qui dénoncent le « kitsch de la réconciliation » [10] Klaus Bachmann, « Die Versöhnung muss von Polen ausgehen »,…, d’autre part ceux qui redoutent que la réconciliation s’avère l’ennemie de la justice [11] Voir Anne K. Krüger, « From Truth to Reconciliation… »,…. S’ajoute à cela la confusion entre l’usage médiatique, celui des praticiens (nombre d’experts et d’institutions internationales proposent des catalogues de best practices de la réconciliation) et l’usage scientifique du terme : car les processus de réconciliation sont devenus depuis plus d’une dizaine d’années un véritable objet de recherche. Les interactions entre les praticiens et les chercheurs sont nombreuses, mais les objectifs des uns et des autres restent différents [12] Lily Gardner Feldman, Germany’s Foreign Policy of Reconciliation…..
[9] Cf. Christiane Wienand, « Versöhnung », dans Nicole Colin, Corine Defrance, Ulrich Pfeil, Joachim Umlauf (éd.), Lexikon der deutsch-französischen Kulturbeziehungen nach 1945, Tübingen, 2015, p. 475-476. Voir aussi la contribution d’Anne Bazin dans ce numéro, qui traite de cette concurrence des définitions et propose de nombreuses références bibliographiques.
[10]Klaus Bachmann, « Die Versöhnung muss von Polen ausgehen », taz, 5 août 1994.
[11]Voir Anne K. Krüger, « From Truth to Reconciliation… », op. cit., p. 360 et la contribution de Nicolas Moll dans ce numéro.
[12]Lily Gardner Feldman, Germany’s Foreign Policy of Reconciliation. From Enmity to Amity, Lanham, Rowman & Littlefield, 2012.
Pierre Poggioli 21 janvier 2018