Conjoncture politique en Corse

Conjoncture politique

Historiquement, le mouvement nationaliste, se réclamant de la Lutte de Libération Nationale, LLN,  (autodéterminationiste, souverainiste  ou indépendantiste), bien identifié par rapport au mouvement régionaliste, devenu autonomiste en 1974, était lié stratégiquement  à la clandestinité..

La clandestinité, (sous diverses appellations, mais toujours étiqueté FLNC in fine, se définissait comme politico-militaire, utilisant la violence armée comme moyen politique.

Avec des hauts et des bas, des fautes et des erreurs, engendrant des drames, (s’engageant aussi malheureusement, années 90, dans une impasse mortifère), cette clandestinité a rythmé les années 70-80-90 voire 2000.  Au centre du jeu politique dans l’île, elle s’est imposée aussi par rapport à Paris, qui souvent a dû composer avec elle, cherchant à gagner du temps ou à la maintenir, à manipuler ou à l‘utiliser selon ses besoins politiques du moment.

Cette clandestinité a organisé tout le mouvement public se revendiquant de la LLN, obligeant les autonomistes, « modérés », nolens volens, à faire du suivisme, condamnant la violence politique, mais n’occupant plus guère le terrain, à partir des années 80…..

Cette LLN, dans toutes ses composantes publiques, se différenciant des autonomistes, était consusptenciellement liée à la clandestinité dont elle appliquait la stratégie sur le terrain public.. et du fait de sa suprématie, tout le mouvement corse, dans toutes ses composantes, publiques ou non, radicales ou modérées-autonomistes était liée à elle…

Cette clandestinité était définie par ses moyens d’action, (lutte armée), ses objectifs institutionnels (autodétermination/ indépendance), et son Projet de société qui, (schématiquement) remettait en question le libéralisme, la grande finance et les monopoles, faisant prévaloir les intérêts collectifs du peuple corse sur les intérêts privés, (voir livre vert, livre blanc et projet de société du FLNC des années 90) et une économie productive et non plus d’assistanat…

Outre le terrain de la lutte armée, la LLN occupait le terrain public avec la lutte de masses, (manifestations et autres réunions et conférences de presse, déclarations, prises de position et actions de tous ordres), et la lutte institutionnelle, (notamment participation aux diverses institutions par les élections..)

Au fil du temps, le terrain public a pris son « autonomie » par rapport à la clandestinité, et la lutte institutionnelle, par la participation électorale s’est développée, tandis que la lutte des masses connaissait un certain affaiblissement et que la lutte armée allait devenir problématique, au vu des événements graves qu’elle avait engendrés, (affrontements des années 90)..

Ces évolutions se profilaient, alors qu’au plan international, les luttes-sœurs (IRA-ETA) se dirigeaient vers un arrêt des armes et que l’Europe semblait être favorable à des évolutions importantes concernant les luttes spécifiques et identitaires, se revendiquant de nations sans état, non reconnues et niées par les états nations composant l’UE actuelle.

Et ce alors que le « terrorisme islamiste » conduisait les états-nations de l’UE à muscler leurs moyens de répression, qu’ils n’avaient aucune vergogne à appliquer aussi à tous les militants nationalistes des nations dans état.

Ces évolutions et changements allaient conduire à un arrêt des armes en juin 2014, aussi en Corse, et à un rapprochement plus conséquent avec les autonomistes modérés, avec à la clé les victoires électorales qui s’ensuivirent.
mais les victoires électorales confirmant la suprématie de la lutte institutionnelle sur la clandestinité, et malheureusement aussi sur une lutte de masse qui allait devenir de plus en plus l’exception, allaient inverser les rapports de forces politiques internes à l’ensemble du mouvement nationaliste, et avec les rapprochements « politiques/électoraux, conduire à la fin de la suprématie de la LLN sur la ligne autonomiste. Les autonomistes, par le biais des élections, devenaient les maîtres du jeu interne à tout le mouvement nationaliste.

Et ce alors

  • Que d’une part, l’UE retournait à sa politique de négation des états sans nation, (voire ses positions par rapport à la crise catalane et au Pays Basque, sans oublier le frontière irlandaise). Le printemps (?) des nationalités en Europe, un temps entrevu et espéré, s’est éloigné…
  • Que d’autre part, avec la colonisation française, la mondialisation économique, -bâtie sur la suprématie des banques et de la finance internationale, s’appuyant ou impulsant les politiques d’austérité de l’UE au détriment des peuples et du plus grand nombre-, allait s’avérer autrement plus néfaste dans l’île, où l’argent, les banques, les lobbies et autres ententes, allaient accentuer en quelques années tous les aspects négatifs, (que les nationalistes avaient combattus et endigués, mais pas annihilés malheureusement), pour le peuple corse sur sa terre, (Constructions, colonisation de peuplement, décorsisation, économie grise mafieuse, appauvrissement de la société, perte des valeurs et glorification de l’individualisme et des affaires, (entrepreneurs modernes et dynamiques) urbanisation et déclin du rural, perte de notre identité, (langue culture, histoire)  et pacifiques
  • Et qu’enfin alors que l’Etat après avoir reconnu selon les périodes, et ses intérêts politiques du moment, la réalité d’une Question politique corse, sans pour autant se donner les moyens de la solutionner, était aujourd’hui dans une attitude de négation et de déni, allant jusqu’à ne pas reconnaître le verdict des urnes qui avait conduit les nationalistes aux responsabilités en Corse…
  • Aujourd’hui, les luttes électorales rythment la vie des mouvements nationalistes et la lutte des masses, -(même si depuis deux mois, les nationalistes sont redescendus sur le terrain avec la mobilisation sur la langue, l’opération Isula morta pour la venue d’E. Macron et contre a répression), peine à se réoccuper son terrain..
  • Les corses aiment les élections, toutes les élections, et pour eux chaque élection revêt les aspects d’une guerre, (voir José Gil – « la Corse entre la liberté et la terreur ») …. Et provoque nombre de divisions… Chaque élection, jusqu’à la plus petite ou la moins importante, (CdC, mairies, intercommunalités, quartiers, parent d’élèves, syndicales, associations, clubs, résidences..), fait oublier le reste, le plus important, l’essentiel, les intérêts de la Corse et du peuple corse.. et les plaies chaque fois sont ensuite difficiles à réduire..

Et pendant ce temps la politique de Paris et la mondialisation accentuent leurs dégâts car eux ne connaissent pas de pause..

  • Alors pour conclure,

Même s’il faudrait expliciter plus longuement tout cela, l’heure ne serait-elle pas venue d’aller au-delà des échéances électorales, où les différences peuvent somme toute s’exprimer, sans pour autant sombrer dans les antagonises sans retour, au-delà des ambitions individuelles nouvelles ou pas, car le militant d’hier n’est plus celui d’aujourd’hui, (culturellement et politiquement), notre société corse ayant évolué, souvent surtout en mal, nolens volens.

Le #PNC (AG de ce dimanche 28 avril) a demandé l’aggiornamento de l’ensemble des mouvements nationalistes pour une démarche d’unité..

Qui pourrait y être opposé, – même si l’idée a déjà par le passé plus ou moins récent-, connu des hauts et des bas, surtout confrontée à des échéances électorales malheureusement. Il faudrait que cette démarche unitaire réussisse, ou tende à déconnecter les relations des uns et des autres des objectifs électoraux privilégiés aujourd’hui qui ne devraient jamais être prioritaires..

  • Quelle unité ?

Aujourd’hui autonomie politique comme synthèse-consensus-compromis entre-tous et étape sur le court et moyen terme, un retour sur le terrain de la rue, pour un rapport de force avec l’Etat, sont quasiment acquis ou du moins semblent acceptés majoritairement.

Mais le véritable écueil qui n’est malheureusement abordé que de façon marginale ou camouflée, -au-delà des grandes déclarations qui n’en restent qu’au principe-, reste le Projet de société, autour d’un certain nombre de grandes lignes, d’axes et principes philosophiques et politiques, à savoir le non au tout-libéralisme, le contrôle de la finance internationale, une économie prenant en compte la justice sociale et les enjeux écologiques et environnementaux d’aujourd’hui, une économie dont les bénéfices et les retombées profitent à la majorité du peuple corse, et la défense des intérêts collectifs contre les intérêts privés et les lobbies ou ententes plus ou moins illicites…,la liste n’est pas exhaustive.

Et les grands axes de ce projet, on les applique et on les met quotidiennement en pratique, partout où les militants ou se prétendant tels, anciens ou nouveaux, sont présents, par l’exemple, c’est le logiciel, dont doivent dépendre toutes nos actions et nos comportements, sans pour autant attendre le grand soir. C’est notre action militante de tous les jours, nos choix de vie dans notre société, notre exemple au quotidien, notre code moral, notre éthique, en matière d’engagement et d’action politique… qui, en forgeant notre conscience et notre engagement collectif dans un rapport de forces avec l’Etat, nous permettent chaque jour de « construire une nation », et la société de demain, sans pour autant attendre que l’on nous donne l’autonomie ou l’autodétermination, lorsque le peuple corse fera partie d’une « civilisation disparue ». Et que cette autonomie ou autodétermination soient exercées par d’autres que les Corses sur cette terre, comme cela s’est déjà produit dans d’autres contrées de par le monde

  • Pierre Poggioli 29 avril 2019

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