Violences : Depuis l’arrêt de la violence clandestine du FLNC
Le quotidien Corse-matin de ce 8 mai, vient de consacrer un dossier en langue corse à cet épineux problème, interrogeant notamment trois anciens du MPA et le politiste Xavier Crettiez.
Je traite de cette situation dans mon dernier ouvrage : Corse et FLNC, une page d’histoire, Tome 2 « Clap de fin ? » paru il y a un mois, (mars 2019)
9ème partie : L’adieu aux armes ? pp 501-528
Et je pose la question : Le débat sur la violence armée est-il clos pour autant ?
Question à laquelle je tente de répondre en avançant diverses hypothèses….
La situation actuelle
Ces dernières semaines nombre de violences, aux motivations plus ou moins obscures, plus ou moins décryptables ont secoué l’île.
Elles sont désormais plus pu moins perpétrées à l’aide d’incendies de matériel, de voitures, d’engins de chantier, de bâtiments, ou d’outils de travail.. sans parler de nombre de sabotages plus ou moins importants ou graves….. et, pour celles et ceux connaissant réellement notre société et notre île, sans attendre les experts de toutes obédiences venus d’ailleurs pour nous expliquer (complexe du colonisé) le « comment et el pourquoi des choses », « ce n’est que l’écume de la vague, nombre d’autres actes « criminels » sont plus ou moins camouflés, passés sous silence, la presse n’en parlant pas . Et les condamnations se multiplient, dérisoires ou hypocrites, minimum syndical oblige. Il y a sûrement au milieu des actes à connotation politique, mais noyés par d’autres aux motivations plus sombres et plus inquiétantes sans nul doute..
Le FLNC a décidé l’arrêt de ses actions clandestines le 24 juin 2014 et les nationalistes ont depuis décembre 2015, accédé aux responsabilités à la Collectivité de Corse ( avec en plus 3 députés sur 4 ).
L’île a semblé retrouver une certaine tranquillité, et l’on n’a plus parler de violence clandestine politique dans l’ile depuis.
Et pourtant, la question était-elle révolue et la violence appartenait-elle désormais au passé,.. ?
Aujourd’hui : une mafiosisation lente de notre société
C’est ainsi qu’aujourd’hui la violence sous toutes ses facettes refait surface, sous forme de « faits divers » plus ou moins graves. Au-delà de la connotation de droit commun, clairement compréhensible pour certains d ces actes , -condamnables et à condamner sans nulle ambiguïté par tous et surtout par les nationalistes-, au-delà des pratiques d’une mafia qui développe ses activités délictueuses, les causes de ces faits de violences sont nombreuses et variées :
Jalousies, concurrences, vengeances personnelles, simple désœuvrement, pressions,… lente désagrégation/délitement d’une société corse « explosée », perte de nos repères traditionnels, fin de l’Eden rural, berceau de nombre de nos valeurs, réelles ou fantasmées, parmi lesquelles le sens du bien public et de l’intérêt collectif, le respect des autres, la convivialité et la solidarité entre-autres. Règne de l’argent-roi, nouveau veau d’or, du profit et de l’individualisme, perte du respect d’autrui et du bien public… Prédominance des intérêts privés, (et alors que chacun se croit autorisé à régler un quelconque problème ou différent pas la violence), au détriment des intérêts collectifs…..
Avec pour résultat une mafiosisation de notre société…
L’emprise de la mafia
Cf. : Ouvrage paru en 2011 : » Corse : Entre néo-clanisme et mafia »
“Violences”
Il y a, pour certains de ces actes, au milieu, sans nul doute, une « connotation politique », mais elle se brouille sur fond de dérive mafieuse. Car au-delà de la mafiosisation de notre société, la main-mise mafieuse, se développe partout, et agissant à terme de façon complémentaire, l’une renforçant à terme l’autre si un terme n’est pas mis à cette situation qui ne conduit qu’à des impasses. Désormais l’économie « grise « tirée de revenus plus ou moins illicites, ((spéculations immobilières et autres, drogue, prise de contrôle/rackets établissements de nuit, deniers publics…. la liste n’est pas exhaustive), est plus importante dans l’île qu’une véritable économie légale, (qu’on peut soutenir ou critiquer !) , mais qui existe aussi.. et il y a aussi et beaucoup de personnes honnêtes et travailleuses chez nous, la majorité, et ce dans tous les domaines.
Les responsabilités
Sans doute un peu de tout cela… et sans doute sommes-nous tous responsables, individuellement et collectivement, quelque part, de nos manques, de nos lâchetés, de nos faiblesses, de nos insuffisances, de nos égoïsmes,
Mais pas que, et sûrement pas que de notre faute !!!
Certains ne disent-ils pas toujours qu’ils ont apporté la civilisation aux peuples colonisés, en fait en les formatant, les asservissant et les faisant évoluer selon leurs critères et surtout leurs intérêts économiques ou géostratégiques du moment, à eux… mais sûrement pas en tenant compte, et en acceptant de reconnaitre les droits et les aspirations au bonheur, au progrès, au développement et à la prospérité collective de ces peuples…
Résultat,
L’absence d’un projet collectif, (de société au moins à moyen terme), pour le peuple corse, (quelle économie, au profit de qui, quel peuple corse, quelles relations monde du travail et entreprise, quid du libéralisme de l’ultra-libéralisme, quel tourisme, de masse ou autre, la place de l’écologie, de la défense du patrimoine et de l’environnement dans la Corse demain, quelle justice sociale, la défense/revitalisation du rural, le rôle des banques et de la finance internationale… longue peut-être la liste des questions à soulever et à prendre en compte), car à toutes ses questions on ne peut se contenter de toujours répondre par des déclarations d’intention ou au coup par coup…
Et aujourd’hui la terrible et angoissante impression, surtout avec l’accession des nationalistes aux responsabilités, avec le refus de toute discussion politique globale par Paris, sur fond de mondialisation niveleuse des territoires et des cultures, de constructions qui poussent partout, d’arrivées massives extérieures qui n’ont que faire de notre combat, de notre culture, de nos valeurs »rétrogrades » et de notre identité, et qui participent activement, nolens volens, à une transformation en profondeur de notre société, et globalement pas forcément en bien, d’un no futur irrémédiable pour la Corse et son peuple !
Et ce, alors que l’île connait un appauvrissement général, le chômage et la précarité, une minorité s’enrichissant sans vergogne, n’ayant rien à faire des intérêts collectifs de la Corse et du bien-être du plus grand nombre. Avec un secteur emploi public et parapublic, très développé, où les compétences cèdent la pas au piston, au favoritisme et aux relations politique entretenues..
Une île parpaing, où cuture et paillotes semblent de plus en plus rimer avec primes à la vache ou autres expédients…
Non, l’île n’est pas un havre de paix et de prospérité pour tous, loin de là…
Et globalement la preuve, s’il en était encore besoin, que la société corse n’est pas apaisée, que la « marmite bout » et que le pire peut être devant nous, si un sursaut collectif ne se produit pas… et le temps presse..
Il faut se ressaisir individuellement et collectivement
Non, cela ne peut pas continuer ainsi ! Il y a urgence : A chacun, – à son nveau et dans son environnement familial, professionnel, social/sociétal, économique, et politique-, de se remettre en cause et d’agir/réagir individuellement et collectivement, et au-delà des mouvements nationalistes actuels, pour mettre un frein à toutes ses dérives mortifères en se donnant les moyens de changer en profondeur et réellement les choses dans notre île…
Cela va au-delà de simples alternances électorales ou autres, cela s’appelle une “alternative” politique, économique, sociale et culturelle par le biais d’un réel Projet collectif de société à faire porter par les Corses et à mettre en pratique sur le terrain au quotidien pour créer par le travail, la construction, l’exemple et le refus de toutes ses dérives, un rapport de forces favorable aux intérêts collectifs du peuple et de la majorité des Corses.,
L’Etat n’est jamais humaniste et désintéressé
Sans oublier que l’état seul profite de cette terrible situation et peut mener tranquillement da politique de négation de la Question corse, voire de manipulations et de choix sélectifs dans l’application de ses propres lois, compétences et décisions, notamment sur des dossiers plus ou moins explosifs et « clivants » au sein de notre société si fragilisée économiquement, socialement et sociétalement aujourd’hui,
Cette “Question politique corse” que le mouvement corse a posée et portée depuis des décennies sur le terrain des luttes et des confrontations avec l’Etat. Cette question des rapports de la Corse avec l’Etat, jamais résolue, à laquelle l’Etat a répondu par nombre de manœuvres, de manipulations, de provocations, de pseudos dialogues et surtout de répression, (voire les détenus politiques actuels toujours en prison, certains bien loin de l’île…. et des années bien après les faits dont ils sont accusés et pour lesquels ils ont été condamnés.. considérés comme des droits communs !).
Pierre Poggioli 9 mai 2019