Riposa in Santa Pace, Massimu
Ils étaient des centaines.. ils étaient venus rendre un dernier hommage à Maxime Susini, lâchement assassiné un matin de septembre, sur son lieu de travail, cette plage de Carghjese qu’il aimait tant..
Je ne connaissais pas Maxime, ne l‘ayant rencontré que quelques fois dans des mobilisations pour la défense de cette terre qui est la nôtre et pour laquelle tant des nôtres se sont battus, certains en payant le prix fort par l’emprisonnement ou même la mort. Je ne le connaissais pas… il faisait partie de cette génération que nous avons enfantée au fil des décennies de luttes. Mais je connaissais bien son père, François, il était depuis toujours, présent dans notre lutte, infatigable militant, toujours là. Et toutes mes pensées convergeaient vers lui, et ce passé commun de luttes, mais aussi de drames.. Je connaissais aussi son oncle, Toussaint depuis l’université de Nice, compagnon de tant de sorties où l’insouciance et la joie de vivre nous portaient.. et d’autres, parents, oncles et cousins ou cousines, dont plusieurs militants depuis si longtemps.. Et toute ma compassion allait vers eux…
Mais j’ai observé et écouté les jeunes, et les moins jeunes qui le côtoyaient, l’aimaient et l’appréciaient, qu’ils soient de Carghjese, ou d’ailleurs.
Et j’ai vu surtout les centaines de jeunes, filles et garçons, graves, présents pour l’accompagner dans sa dernière spassigjata dans son village, jusqu’à sa dernière demeure. J’ai ressenti l’incompréhension, l’accablement, la soif de comprendre le pourquoi et le comment.. et surtout leur colère contre cette injustice, contre ce nouvel homicide ayant cette fois-ci visé un des leurs, un homme de ce village, de cette Corse, dont Maxime se voulait, dans toutes ses décisions, ses actions, au quotidien, le défenseur, et qui était pour eux et elles un exemple de travail d’honnêteté, de droiture, de solidarité sportive ou autre, d’amitié.
Quelles que puissent être les motivations de ceux qui ont fauché sa jeune vie, ou de ceux qui ont armé ces mains scélérates, ils n’auraient jamais dû faire cela.
La Corse s’enfonce de plus en plus dans une mafiosisation mortifère, et Maxime Susini en est l’ultime, (?), victime.
Les Corses doivent se ressaisir, mais ce sursaut s’impose surtout aujourd’hui aux nationalistes, (ou celles et ceux qui s’en réclament), ce terme me devenant de plus en plus lourd à porter aujourd’hui, – non pas parce qu’on le confond trop facilement aux Nationalismes des états-nations, ( mon nationalisme étant simplement résistance face à un état-Nation dominant), mais parce que tant de de drames et de dérives, insupportables, me révulsent et me dégoûtent, et qu’ ils ne peuvent éternellement rester ou “s’imposer” comme symbole de corsitude, ou de culture mortifère tout court… car les nationalistes, toutes mouvances confondues, au-delà de la course aux écharpes et strapontins, -même si, malgré tout on peut en comprendre l’utilité, voire la nécessité-, doivent prendre conscience, saria più che ora, que notre société est très malade et qu’il faut s’y pencher tous ensemble, pour jeter un regard introspectif sur nous-mêmes, sans sujet tabou, quel qu’il soit, faire notre auto-critique individuelle et collective, et envisager tous ensemble, s’il n’est pas trop tard, des bases de défense et de renouveau, pour redonner un espoir à toute cette jeunesse qui en vient de plus en plus à douter, y compris de nous aujourd’hui, et qui est guettée par le nihilisme ou les fuites en avant, voire les impasses suicidaires.
Alors quand des Etats généraux, (ou toute autre formule), de la nation corse pour se voir, discuter, voire “déblatérer”, mais surtout se retrouver toutes et tous, et retrouver un second souffle mobilisateur et purifié pour que l’amitié, la solidarité et le sens de collectif ne soient plus de simples slogans désuets et vides, ou des faire-valoir..
A chacun d’y réfléchir et de s’emparer de cette idée, et cela sous quelque appellation que ce soit.
En cet après-midi de recueillement à Carghjese, dans la communion avec les centaines de personnes présentes, nous étions toutes et tous interpellé(e)s, au-delà de notre tristesse et de notre compassion envers Maxime et ses parents et proches, par notre Corse, si mal en point, et « rappelés à l’ordre » par nos engagements, nos sacrifices, nos luttes, nos mobilisations passées, avec ce leitmotiv de refus des enchaînements en cours et des évolutions que nous subissions… et la colère était palpable.
Maxime est mort, celles et ceux qui le côtoyaient, le fréquentaient l’aimaient, l’appréciaient, et dans leur amour, l’engagement de cet homme, encore jeune, pour la Corse, comptait énormément. Ceux qui l‘ont tué ou fait tuer ont voulu le faire taire pour X raisons, ils l’ont, (hélas), éliminé physiquement, mais ils en ont fait dès lors un exemple pour notre jeunesse, par son sens du travail , son honnêteté et son engagement pour les intérêts collectifs de ce peuple corse qui aujourd‘hui est victime de tant d’attaques/agressions visant à le marginaliser, voire à le faire disparaitre de sa propre terre.
Maxime est mort victime d’une mafiosisation rampante qui ronge et pourrit notre société… et les jeunes en sont les victimes car leur avenir en est d’autant plus sombre.
Maxime a montré l’exemple par son honnêteté, son sens du travail, son esprit collectif, sa défense du Bien commun et son engagement de tous les jours. Puisse ce qu’il a représenté et ce qu’il représente désormais insuffler l’espoir à notre jeunesse et éclairer son chemin vers l’émancipation libératrice, le sens de la justice, de la dignité individuelle et collective ?
Pierre Poggioli 17 septembre 2019