Derrière les duels enjeux des élections municipales, d’autres enjeux
« Essai d’analyse » à la veille du 1er tour des élections du 15 mars en Corse… À moins que ces élections ne soient repoussées aux calendes, si le coronavirus poursuit sa progression.
Malgré « l’épreuve du pouvoir », les résultats des nationalistes « institutionnels », toutes tendances confondues, (ceux dont les structures « nationalistes se revendiquant ou se prévalant du nationalisme corse, participent à une quelconque élection), ne seront pas en baisse. Au vu des résultats globaux, leur audience, (nombre de suffrages), et assise électorale, – (au-delà de l’apport, plus ou moins sincère et désintéressé de nombre d’anti ou d’opposants aux nationalistes de jadis ou de nouveaux nationalistes, ralliés, d’ouverture, ou même de certains suffrages de personnes issues de la colonisation de peuplement), s’élargiront au vu du nombre de communes où ils étaient déjà présents, et celles où ils n’ont jamais été représentés jusqu’alors …
Désormais, au centre des débats et de la situation politique de l’île, ils ne peuvent que progresser globalement, y compris dans ce type d’élections..
Mais dès lors aussi, les véritables enjeux au sein du monde nationaliste se situent à un autre niveau, et certains duels peuvent en cacher nombre d’autres.
La mouvance de Gilles Simoni, (Femu a Corsica), sera la grande gagnante de ces élections. Elle conservera vraisemblablement même si difficilement, la mairie de Bastia, et même si «sa recette » de 2014, (alliance de gauche à droite, en passant par des nationalistes), sera vraisemblablement appliquée contre ses candidats au second tour.. Même si globalement elle perdra d’autres soutiens et suffrages de nationalistes d’hier, militants ou électeurs, cette perte au sein de sa base électorale sera compensée par l’apport de nombre d‘électeurs modérés, nationalistes ou non, dont des électeurs issus de la colonisation de peuplement, pariant sur la stabilité de la corse, abandonnant le soutien aux partis traditionnels de droite ou de gauche, préférant s’engager auprès de Femu a Corsica, et des modérés, plutôt que de s’abstenir. Et il y aura néanmoins beaucoup d’abstentionnistes dans les grandes villes et les bourgs importants, suivant en cela la ligne nationale française.. (et qui augmentera si le coronavirus progresse).
Bastia : L’attention sera surtout polarisée par le duel Corsica Libera-Core in Fronte, deux mouvements dont Gilles Simeoni ne veut pas pour son rassemblement. Le PNC sera associé à Corsica Libera, mais cela n’influera pas beaucoup sur Bastia. Core in Fronte a reçu le soutien de a Manca.
Aiacciu : La démarche Corsica-Libera/PNC, par contre, semble plus dynamique, – même si le poids du bilan de la CdC plane, avec sept élus CdC sur les 10 premiers de la liste-, et le duel se passera entre cette démarche et la liste Jean-André Miniconi, drivée par Gilles Simeoni, mais où l’on peut trouver des ralliés de droite, des macronistes et des gens de Femu a Corsica, pour un mélange assez hétéroclite. Bien entendu l’enjeu, (duel), sera de savoir qui sera le principal opposant au maire Laurent Marcangeli au second tour, et si l’union nationaliste se fera ou non contre le maire sortant. Core in Fronte tirera son épingle du jeu, mais n’inquiètera pas les autres nationalistes sur Aiacciu.
Corté : C’est l’énigme, avec une candidature PNC, Vannina Borromei, (élue PNC à la CdC), alliée à Femu a Corsica, (Marceau Simeoni), tandis que Corsica libera et le PNC ont été mis au placard et que Core in Fronte ne participe pas.. Inquiètera-t-elle dans de telles conditions la liste soutenue par le maire sortant, qui était à droite, mais élargie à d’autres horizons, y compris de gauche traditionnelle ou giacobbiste.. Ce serait un exploit, sur fond de disparition du partidone et le partidellu.
Sartène : Core in Fronte, (malgré un apport religieux !!), ne fera pas de la représentation. Restera alors le second tour éventuellement.. mais pour quelles alliances contre le maire actuel, droite, soutenu par Gilles Simoni, au vu des rapports entretenus depuis 2015.. ?.
Pruprià : Miracle de la Miséricorde, tous les mouvements nationalistes étant réunis sous la même bannière d’opposition, (Pà a corsica plus Core in Fronte), au maire de gauche modérée, anti-nationaliste, en place depuis deux mandatures !! L’union pourra-t-elle le déboulonner ? Pas évident au vu du passif des nationalistes de Proprianu en matière d’élections …. Municipales passées ..
Porti-Vecchju : Le duel J -C Angelini, (liste Corsica Libera/PNC, avec des personnes d’ouverture « polémiques »), contre Gilles Simeoni, se retrouve avec la candidature de Don Mathieu Santini : Ce dernier a une bonne liste qui a le soutien de Gilles Simeoni, lequel s’est déplacé avec Jean Felix Acquaviva pour le soutenir. Il a acquis des soutiens ayant compté parmi les premiers à soutenir l’envolée de J-C Angelini sur Porti-Vecchju. Et il a reçu les soutien de Core in Fronte et de a Manca). Mais pour le second tour, J-C Angelini sera sûrement le premier opposant au maire sortant, Georges Mela, droite, et l’enjeu sera alors de réaliser l’union des deux candidats nationalistes.
Ghisonaccia : Le PNC et Femu a Corsica, alliés jusqu’alors du maire sortant, Francis Giudici, sont opposés. Le PNC et ses deux représentants, Saveriu Luciani, membre exécutif CdC et Jean-Pierre Antonelli, restés fidèles à la majorité de Francis Giudici, sont confrontés à une liste Femu a Corsica, avec les soutien de Gilles Simeoni, conduite par Ghjuvan’Santu le Mao.
Prunellu di Fiumorbu : Le candidat Corsica Libera est bien placé face au maire sortant. Il y a un an, il avait été battu. André Rocchi, élu maire, PNC, avait eu alors le soutien, plus ou moins officiel, du PNC et de Femu a Corsica.. Qu’en sera-t-il pour cette élection ?
Lucciana : La liste Pè Lucciana, conduite par Ghjuvan Filippu Antolini, soutenue par Corsica Libera et le PNC, revendique l’étiquette Pè a Corsica et se présente contre le maire sortant, José Galetti. Le maire sortant, tête de liste Inseme pè Lucciana, brigue un 5ème mandat a déjà passé 25 ans à la tête de la commune. Avant lui, son père, Charles Galetti, a été maire de la ville de 1947 à 1989. Élu lors de son précédent mandat sous l’étiquette divers droites, Joseph Galetti confirme “Inseme pè Lucciana a toujours rassemblé du monde”. Il est plus ou moins officiellement soutenue par certaines personnes proches ou se réclamant de Femu a Corsica.. Femu ne soutient pas Ghjuvan Filippu Antolini.
Furiani : Jean-Martin Mondoloni, candidat de droite à Bastia, soutient Enzo Martel qui insiste pourtant sur le caractère “sans étiquette” de la démarche, “une équipe faite de gens de droite, de gauche, de régionalistes, et même de nationalistes”.
Morosaglia : Jean-Michel de Meyer, Femu a Corsica, avec une liste élargie, (Présence de Maria Guidicelli, ancienne élue rénucciste à la CdC et mairie d’Aiacciu), tentera de battre le maire sortant, Vincent Cognetti, liste baptisée “Riesce Inseme Morosaglia Ponte-Leccia/Réussir Ensemble Morosaglia Ponte-Leccia” “qui conserve son ossature, sans étiquette et ouverte à toutes les sensibilités” .
Luri : Le maire sortant, nationaliste de la première heure, qui était jusqu’alors soutenu par femu a Corsica, est confronté à Anne-Laure Santucci, élue CdC, Femu a Corsica elle aussi, avec le soutien de certains proches de Corsica Libera.
Penta di Casinca : Une opposition sans étiquette, mais d’obédience nationaliste rassemblée autour du Dr Vital Geronimi, Corsica Libera. La tentative de présenter une liste commune ayant échouée, Yannick Castelli brigue un second mandat avec une liste « Campa Inseme per Penta-Fulelli » quelque peu renouvelée et ouverte à des militants PNC.
Sarrula-Carcopinu : Le maire sortant, Alexandre Sarrola, divers gauche en 2014, opposé à François Casasoprana, conduisant une liste nationaliste, mais sans sigles. C’est une zone où d’énormes intérêts financiers sont en jeu, d’où le tollé après l’annonce du soutien de Femu au maire sortant par le biais d’une conseillère municipale sortante, élue Femu a Corsica à la CDC, Hélène Servas-Casanova. Femu avait dû opérer un rétropédalage, sa représentante renonçant à une quelconque participation..
A suivre aussi les duels…
Centuri : David Brugioni, proche de Core in Fronte, confronté à l’ancien maire, sur fond de fractures profondes liées à l’ancienne gestion de l’ancien maire, José Micheli , alors proche de Corsica Libera..
Sisco : Ange-Pierre Vivoni, maire sortant, gauche, contre Raphaël Villoresi, avec une liste « Uniti per Siscu », sans aucune étiquette politique.
Aleria : Dominique Venturini, ancien cadre d’EDF, conduit la liste Aleria 2020 de sensibilités diverses. C’est la 2ème fois qu’il est opposé au maire sortant LR, Ange Fraticelli. La 3ème liste, qui a le soutien du PNC, est conduite par l’ancien journaliste Pierre-Jean Luccioni.
Cervione : Marc Nicolai, maire sortant, droite, contre Jean-Claude Franceschi, qui conduit une liste jeune, “L’ albore cerviunincu”, sans étiquette, qui se veut avant tout être une opposition constructive.
Oletta : Jean-Pierre Leccia, maire sortant, droite, brigue un 5ème mandat, contre une liste, plutôt jeune, conduite par Cyril Luciani, militant Core in Fronte.
Santa-Maria di Lota : Guy Armanet, maire sortant, Femu a Corsica, élu CdC, contre Georgia Figarella, qui revendique une “démarche écologique et sociale”. Composée essentiellement de nouveaux venus en politique, cette équipe constituée sous la bannière d’Union écologique.
Ville di Pietrabugno, Michel Rossi, maire sortant, droite, soutenu par l’ancien maire Jean Baggioni, à nouveau opposé à Luc Grassini. En 2014, avec 32% de suffrages, Luc Grassini avait remporté quatre sièges sur 27 aux élections de Ville-Di-Pietrabugno. En mars prochain, il sera de nouveau candidat pour conduire une liste “sans étiquette” avec l’ambition “de changer le mode de gouvernance”.
Biguglia : Une liste conduite par Jean-Charles Giabiconi, chef d’entreprise de 46 ans, conseiller territorial Femu a Corsica, est opposée au maire sortant Sauveur Gandolfi-Scheit, droite. Le tête de liste insiste son caractère pluraliste. “Nous venons d’horizons divers, avec des opinions différentes et des idées novatrices”. Cette « ouverture », suffira-t-elle ?
Soyons convaincus néanmoins qu’il y a sûrement d’autres communes où les situations sont intéressantes, mais restons-en à celles qui nous interpellent, même si cela peut rester subjectif.
Et au-delà : D’autres enjeux pour les nationalistes de toutes tendances
Derrière les municipales, se cachent aussi d’autres enjeux, avec les présidences et les majorités au sein des communautés de communes. A Isula Rossa, où la campagne se tend, (voiture d’une candidate, Angèle Bastiani, incendiée ce samedi soir), l’enjeu se situera surtout pas rapport à la communauté des communes. Lionel Mortini, apparenté Corsica Libera, président de l’ODARC, maire de Belgodère, soutient à distance la candidature d’Angèle Bastiani), et non pas la liste de Michel Frassati, nationaliste et militant culturel depuis les débuts. Notons que des ex-PNC sont présents sur la 3ème liste, celle du maire sortant, maire sortant Jean-Joseph Allegrini-Simonetti, qui brigue un 4ème mandat.
Il y a sûrement d’autres communes plus ou moins importantes où les enjeux sont importantes et où les logiciels sont difficiles à interpréter pour les militants et électeurs nationalistes.. mais rassurons-nous, ce ne sont que des municipales, n’est-ce pas ?
Vraisemblablement, les élections territoriales connaîtront nombre de rebondissements .. et les unions d’hier, (2015-2016-2017), semblent dès lors appartenir au passé.
Il est évident néanmoins que l’expérience du pouvoir aura permis, même dans a douleur, que l’union, de facto, aboutissait uniquement, à remplacer les autres, pour une simple alternative à la droite et la gauche traditionnelle française.. D’autant que désormais, au vu des bilans de la gouvernance « unitaire » à la CdC, – nombre de nationalistes corses semblent de ne plus y croire – , qui s’est révélée une simple alternance et n’a pas constitué l’amorce d’une réelle alternative, avec des objectifs au moins à court et moyen terme au moins, et une feuille de route claire et ne laissant place à aucune autre interprétation sur un certain nombre de sujets, dossiers, problématiques et objectifs, – à défaut d’un véritable projet de société pour la Corse demain à longue échéance-. Sans perspectives claires au niveau des moyens des institutions et des choix de société, une simple alternance ne peut se pérenniser, les enjeux de fond ne pouvant pas toujours être oubliés ou plus ou moins camouflés. Ils ne peuvent pas non plus être occultés et/ou renvoyés aux calendes avec les formules toutes faites du genre « le compte n’y est pas ou c’est la faute à l’Etat »..
Il faudra discuter de tout cela au lendemain de ces élections, ou alors se résoudre à ravaler les idées et les fondamentaux du nationalisme corse au rang de simples enjeux de pouvoirs « politiciens » au sein de conseils municipaux et aux débats y afférant.. Et lorsqu’on sait que le Corse aiment « a Pulitichedda » et s’en délectent même.. Bonjour les futurs dégâts… Et l’histoire de ces 50 années qui devaient changer les structures et les comportements individuels et collectifs, (révolution culturelle ..), n‘aura été qu’une simple parenthèse dans l’histoire des Corses ou des « insulaires », ou des « iliens de Corse ». Mais peut-être ainsi va la vie des hommes et des peuples !